
J'ai intégré le dispositif il y a maintenant quelques années, au moment où ce dernier se dotait des premiers ateliers avec horaires dédiés et reconnus par le Rectorat.
Fabrice Consil, alors référent du dispositif, a donné mon nom à Mme Lamblin, notre ancienne proviseure-adjointe à l'initiative de ce projet; c'est elle qui m'a proposé de tenter l'aventure. Je ne connaissais quasiment rien de ces profils dits EHPI et j'ai beaucoup douté car le "concept" restait obscur. Mais j'ai décidé de me lancer, sensibilisée pour des raisons familiales (enfants H.P.I); j'ai lu et découvert un peu plus en détails les neurosciences, participé aux formations organisées à cette époque par M. Consil etc.
Je me rends compte aujourd'hui que j'ai déjà parcouru du chemin au sein de ce dispositif.
Intégrée dans l'équipe pédagogique de la classe de Secondes en tant que professeure d'histoire-géo et d'E.M.C, j'ai commencé par prendre en charge l'atelier "Communication" qui avait pour objectif de donner davantage de lisibilité au dispositif; nous avions alors choisi la solution du site Internet, site relié au site principal du lycée et référencé depuis pour les recherches sur le haut potentiel. On se disait que beaucoup de parents et de jeunes entreprenaient des recherches sur le Web quand ils se posaient des questions sur les EHPI ou cherchaient un établissement susceptible de répondre à leur besoin. Nous trouvions que cela nous permettait aussi de valoriser ce qu'on était en train de produire dans les ateliers...
L'année suivante, j'ai ouvert un atelier archéologie aux côtés de ma collègue Coralie Morambert, professeure de S.V.T. On a commencé modestement en tirant profit des richesses locales et de Jacques Boucher de Perthes (considéré comme l'un des pères de la Préhistoire). C'est actuellement ma troisième année et ma chère collègue Mme Degott, elle aussi professeure d'histoire-géographie, m'a rejointe l'année dernière pour que je puisse continuer à l'animer tout en prenant davantage de responsabilités dans la gestion du dispositif.
Depuis cette rentrée 2022, je gère le dispositif en binôme avec ma collègue Mme Morambert. Parce qu'il nous paraissait logique de le maintenir pour répondre aux besoins de nos élèves actuels et futurs, parce qu'on se devait de poursuivre l'oeuvre de M. Consil et de Mme Lamblin, parce que notre administration actuelle souhaite poursuivre l'expérience, parce qu'on croit en nos élèves et aux bienfaits que leur apportent nos ateliers et le dispositif en général.
Une conclusion pour ce que je viens de dire ? Je suis désormais convaincue par ce dispositif et ai donc décidé de m'y consacrer pleinement!
Plus les années passent et plus je suis convaincue que les élèves H.P.I ont des besoins éducatifs particuliers. Et je constate pleinement que le dispositif qui s'offre à eux a sa raison d'être. Il suffit de les observer en début et fin d'année pour le percevoir. C'est sûr, on ne fait pas de miracle et si l'élève n'adhère pas au dispositif, les chances de tirer pleinement profit de ce dernier restent minces. Mais que de progrès pour d'autres! Non pas toujours d'un point de vue scolaire; les notes, le niveau .. ce n'est pas cela qui est d'abord visé ici.. on les accompagne biensûr jusqu'au baccauréat, on nourrit leurs apétences et leur curiosité, et on fait en sorte comme toutes les autres équipes pédagogiques de leur donner les clés de la réussite... mais leur sourire, leur retour à une scolarité régulière (pour certains) et désormais source de réjouissance (pour d'autres), une sensation parfois nouvelle de bien-être.. c'est cela la finalité première de ce dispositif selon moi. Quasiment tous nos élèves le soulignent: ce qui fait la différence? Ce sont les liens qui se tissent et qui s'approfondissent entre élèves mais aussi avec les adultes qui travaillent à leurs côtés, ce constat que dans le dispositif ils ont plus de facilités à s'intégrer et à s'ouvrir aux autres et à cultiver plus largement le rapport à l'autre et à la société; c'est cette sorte de bienveillance et ce cadre (tout aussi nécessaire) qui vous enveloppent et vous donnent l'impression que cette fois, oui, vous êtes bel et bien intégré.
C'est cela ma source de motivation première.. voir des élèves complètement braqués avec l'écrit, ces autres repliés sur eux-mêmes, ceux-là trop angoissés et/ou impulsifs ayant du mal à canaliser et à gérer leurs émotions... les voir se sentir mieux séance après séance; pouvoir me rendre compte de leur épanouissement progressif... à leur rythme et à leur image. Et rester dans l'écoute et l'échange pour palier aux difficultés rencontrées et aux moments de "moins bien".
C'est aussi travailler autrement avec les collègues d'autres disciplines dans une ambiance sereine où on cherche avant tout le bien-être et l'épanouissement personnel de l'élève. Travailler en leur laissant plus de choix dans leurs apprentissage, plus de possibilités pour traiter un problème ou une thématique tout en étant présent en cas de besoin à travers les heures de suivi et de remédiation qu'on leur propose désormais chaque semaine sur un créneau tout aussi spécifique.
C'est pour cela que je continue dans le dispoitif.. alors oui on n'est pas parfait, oui il y a des loupés... mais il y a aussi tout le reste qui fait qu'on s'épanouit à leurs côtés et même s'enrichit. Avec une dernière certitude: ce n'est pas de tout repos!
Pauline Bardoux.
Durant mes années de primaire, je ne parvenais pas à m'intégrer à un groupe, et je passais le plus clair de mon temps dans la salle de classe à lire des livres. De plus, j'avais subi des harcèlements de la part d'élèves plus âgés, ce qui ne facilitait pas mon « ouverture au monde ».
Une fois au collège, rien ne s'est arrangé, et cela a même empiré.
J'avais beau avoir quelques personnes avec qui je m'entendais bien, j’étais toujours victime de harcèlement, on me dégradait mes affaires, et la seule réponse que j'ai réussi à
trouver fut la violence...
Je ne cessais de me faire sanctionner, ce qui n'arrangeait en rien mon envie d'isolement. Durant ces années, je ne voyais pas le moindre intérêt à me faire des amis, tout ce que je
voulais c'est qu'on me laisse tranquille...
Le fait d'arriver au lycée au sein de ce groupe EIP m'a permis de rencontrer des gens qui avaient la même façon de penser que moi, et qui ont potentiellement subi les mêmes problèmes que moi.
J'ai pu m'épanouir au sein d'un groupe de personnes qui me comprenait, que je comprenais, et avec qui j'ai pu lier une véritable amitié.
C’était la première fois que je ressentais l'envie d'aller vers les autres, de parler avec eux et de les fréquenter.
Je suis élève de seconde en section EIP (enfant intellectuellement précoce) au Lycée Boucher de Perthes. Cette appellation est un brin trompeuse, cependant c’est comme cela que nous sommes nommés.
Ici nous sommes mieux qu’ailleurs, c’est certain, découvrant des personnes se posant les mêmes questions. Mieux que chez nous à vivoter, mieux que dans une section psychiatrique où d’autres choses de ce genre. L’entraide est forte et nous partageons les sentiments du moment qu’ils soient joyeux ou tristes.
Pour ma part, c’est une libération. Une libération partielle mais qui enlève le poids de la solitude.
Mais qu’offre réellement cette section unique ? Le mardi est la meilleure journée de la semaine. Et pour cause ! C’est le jour des ateliers, où nous laissons notre tablier d’écolier pour nous intéresser à différents domaines tels que l'astronomie, l'archéologie, le développement durable, l’éthique médicale. Tant de choses qui permettent d’apprendre dans une ambiance amicale, loin des méthodes scolaires que nous fuyons tant.
J'ai passé le test 4 fois.
Une fois en Grande Section à l'école maternelle, où j'ai été diagnostiqué HPI pour la première fois. Une autre fois en CP, puis en 4ème et une dernière fois en Seconde. Néanmoins, les seuls réels ajustements mis en place vis à vis de ce diagnostique ne m'ont été proposés qu'à la suite du dernier test. C'est à ce moment là que j'ai abandonné mon ancien lycée pour venir dans celui-ci, à cause, bien entendu, du dispositif.
Mais, quelles sont mes pensées sur ce dispositif et, à fortiori, sur le fait que je sois un Élève à Haut Potentiel (EHP) ? Et comment l'ai-je vécu ?
Et bien, j'ai eu une scolarité assez tumultueuse. Lorsque j'étais petit, j'avais de telles facilités que je n'avais besoin ni de travailler, ni d'écrire mes leçons. J'obtenais alors une moyenne générale qui environnait le 16 durant la totalité de mon collège et ai décroché mon Brevet avec mention Très Bien sans fournir le moindre effort. Cela m'a bien été reproché par mes parents qui plaçaient de grands espoirs en moi et qui n'hésitaient pas à me réprimander lorsque je ramenais à la fin de ma journée de cours un 14 ou un 15.
Je n'ai jamais eu d'ambitions. La seule chose que j'ai toujours voulu, c'est vivre en paix.
Mes camarades ne m'acceptaient pas. Justifiez-le comme vous voulez : Incompréhension, jalousie, méchanceté... je n'en ai cure. La seule chose que je sais, c'est qu'ils m'ont rejeté, moqué, pointé du doigt et qu'ils m'ont fait vivre un enfer. S'adapter ou mourir. J'ai donc changé en profondeur ma personnalité afin de devenir plus « cool » et être validé socialement.
Puis vint mon année de Seconde, décisive.
On dit que les personnes HPI sont plus facilement susceptibles de contracter troubles et addictions en tous genres. Cela n'a jamais été plus vrai pour moi. C'est en seconde que j'ai développé les principaux démons qui me tourmentent encore aujourd'hui. J'ai commencé à boire de l'alcool, à consommer du Cannabis et à prendre des drogues dures comme de la Codéïne, du Xanax etc
Cette consommation grandissante de substances va de paire avec le déclin de ma santé mentale (phobie scolaire, blocages psychologiques, dépression...). C'est à ce moment là que l'on a décidé de me faire venir dans ce dispositif avec pour fin de me faire renouer avec le travail et de me faire passer mon baccalauréat.
Mais plusieurs obstacles entravent ma réussite scolaire.
- Mon blocage vis à vis du travail;
- Mon attitude vis à vis de l'autorité;
- Mon manque de motivation;
- Mon manque de confiance en soi;
- Mes addictions.
Pour moi, les notes sont des fardeaux, motifs d'angoisse, qui ne font que me prouver à quel point je suis médiocre et que je ne mérite aucunement les nombreux espoirs que l'on place en moi.
Le dispositif tente de m'aider. Grâce à lui, des aménagements sont envisagés et il m'a protégé durant les quelques altercations que j'ai eu avec le lycée.
J'aimerais conclure par ceci : Il n'y a pas de « HPI type ». Chacune des personnes que j'ai côtoyées au sein du dispositif sont uniques et abordent leur précocité de manières différentes. Pour moi, elle n'a été que fardeau. Source de problèmes, de névroses, de décalages et elle est, je crois, la principale raison de mon échec scolaire, paradoxalement. Car si il y a une leçon à retenir de mon histoire, c'est que l'intelligence est une notion variable, fragile et n'est en aucun cas un privilège.