Je suis arrivé dans le dispositif en 2017. Testé EHP en moyenne section, je n’ai jamais ressenti de décalage avec les autres. Pendant longtemps, j’ai même ignoré les spécificités du diagnostic. J’ai sauté la grande section et, que ce soit en primaire ou au collège, j’ai toujours eu de bons (voire très bons) résultats. Mon « avance » sur les autres n’a jamais provoqué de moqueries et j’ai toujours été entouré d’amis qui ne me jugeaient pas. Il n’y avait aucune différence entre eux et moi. Tout ce que je savais, c’est que je n’avais pas besoin de réviser pour avoir de bonnes notes. Jamais cette « précocité » ne m’ait apparue comme un handicap.
En m’inscrivant au lycée, il était demandé sur les papiers d’indiquer si j’étais, ou non, enfant précoce. J’ai donc coché la case sans savoir qu’à la rentrée, je me retrouverais dans une classe de 20 élèves dont 10 avaient, comme moi, passé le test. J’ai eu la chance d’y retrouver un de mes meilleurs amis. Mais très vite, j’ai commencé à ressentir la différence : non pas entre moi et les « non-EHP », mais entre notre classe et les autres. Les élèves avaient tous d’excellents résultats et la majorité d’entre eux n’avaient pas le même parcours. Certains avaient été harcelés, n’avaient pas beaucoup d’amis, étaient en réel décalage avec les autres lycéens. Mais ce n’était pas mon cas. Résultat, je ne me sentais pas spécialement proche des autres. Pourtant, je comprenais l’importance du dispositif pour ceux qui en avaient besoin et c’est aujourd’hui encore le cas. J’ai quand même rencontré des amis au cours de cette première année et les profs se sont toujours beaucoup impliqués. Entre cette première année et maintenant, les ateliers ont eux aussi évolué : au départ, nous nous occupions surtout des plantes au sein de la Jeune Coop et désormais, les élèves peuvent aussi faire de l’astronomie ou mener des projets de développement durable. Pourtant, j’ai rapidement compris que ce dispositif n’étais pas fait pour moi ; ou du moins, pour mon profil.
En première S, je me suis à nouveau retrouvé dans une classe majoritaire EHP. Tous mes amis étaient dans une autre classe et j’ai assez mal vécu cette période. J’avais envie de changer de classe pour les rejoindre, mais mes parents ont refusé, considérant que l’ambiance de travail était idéale avec les EHP pour réussir mes études. Cette année, j’ai décidé de quitter le dispositif. En effet, il a bien changé depuis la seconde. Aujourd’hui, les trois niveaux sont mélangés dans les ateliers le vendredi après-midi. Nous sommes une trentaine d’élèves et à cause du comportement de certains, le règlement a été renforcé. Nous avions plus de libertés en seconde. Aujourd’hui, j’ai du mal avec le fait que les ateliers soient obligatoires. Cependant, d’autres élèves aiment beaucoup les ateliers et ce format, que je n’apprécie pas, est idéal pour d’autres. Je trouve également qu’il y a trop de généralités faites autour des EHP, voire même de notre dispositif. Tout le monde s’imagine que nous sommes « surdoués », méprisants, supérieurs. Je connais pourtant beaucoup d’élèves qui n’ont pas forcément de très bons résultats. Encore aujourd’hui, je me sens à l’aise avec les autres lycéens qui ne font pas partie du dispositif et je trouve au contraire que cette expérience a créé une différence qui n’existait pas originellement.
Encore une fois, je pense que le dispositif est idéal pour les EHP qui ne sont pas épanouis au collège. Mais si vos spécificités ne vous posent pas forcément problème, je pense qu’il est peut-être plus judicieux de continuer une scolarité classique.