Les Vénus de Renancourt
Monsieur Clément Paris, paléontologue à l’Inrap Hauts-de-France, nous a rendu visite au lycée Boucher de Perthes le mardi 5 janvier pour nous faire part de sa découverte des désormais fameuses « Vénus de Renancourt » à l’occasion d’un chantier de fouilles qu’il a dirigé entre 2014 et 2019 dans ce quartier qui se trouve à l’ouest d’Amiens. |
Cette découverte est exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord parce que ces petites statuettes féminines sont extrêmement rares. On connaît celles de Brassempouy (découverte dans les Landes) et de Willendorf (en Autriche) ainsi qu’un autre gisement découvert en Russie près du lac Baïkal). Ensuite parce que sur le site de Renancourt, elles ont été exhumées en grand nombre, une quinzaine, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’un site de production remarquable. Enfin parce que la dernière qui a été trouvée présente la caractéristique de posséder une coiffe finement sculptée.
La plus grande fait 12 cm et la dernière, qui est exposée dans la salle d’archéologie du musée de Picardie à Amiens, mesure 5 cm, dimension qui permet de la transporter aisément, ce qui laisse penser à une sorte d’amulette portée par les femmes de cette époque.
Elles datent d’environ 23 000 ans et leur production s’est étalée sur une très brève période de 1000 à 2000 ans à l’échelle d’un territoire de plusieurs millions de km² (de l’Atlantique à la Sibérie). La forme est standardisée et souligne les attributs de la féminité (fesses rebondies, seins volumineux et nombril creusé) et plus encore de la fécondité puisqu’elles présentent toutes un ventre de grossesse. |
La naissance pouvant représenter un moment périlleux pour la mère et celle-ci ayant un rôle communautaire important pour la survie du groupe, on pense que ces statuettes pouvaient éventuellement servir à conjurer le péril d’un tel événement. Certaines d’entre elles ont été retrouvées avec la tête séparée du reste du corps. Nous ne savons pas encore si cette fracture est intentionnelle ou accidentelle. Peut-être avait-elle une signification symbolique.
Le site est toujours en cours d’exploitation. La prochaine campagne qui reprendra au printemps de cette année pourrait donner lieu à de nouvelles découvertes. Le site de Renancourt est désormais mondialement connu. Il avait été fouillé la première fois au début du XXème siècle, en 1910, par Victor Commont, célèbre archéologue, instituteur de formation exerçant à Amiens. Celui-ci avait curieusement prédit la découverte de statuettes qui n’ont été exhumées qu’un siècle plus tard grâce à l’équipe de Clément Paris.
On connait bien l’art pariétal mais les populations de Sapiens établies au nord de la France vivaient dans un milieu de steppes non propice à ces réalisations. Aussi les sites découverts sous cette latitude témoignent-ils d’occupations ponctuelles que l’on estime au plus de quelques semaines, ces populations pratiquant le nomadisme. Cela peut être établi par les éléments que l’on y retrouve : ossements, pierres taillées, calcinations et artefacts en calcaire. Parmi ces derniers, de nombreuses agglomérations d’éléments fracturés par le gel qui pourraient entrer dans la composition d’autres statuettes féminines et qui sont précieusement collectées et archivées dans la perspective d’être réassemblées grâce à leur numérisation réalisée par des programmes informatiques spécifiques. |
Notons pour terminer que cette aventure se poursuit et qu’elle mobilise toute l’attention de la communauté scientifique qui porte un nouveau regard sur le peuplement de Sapiens dans les plaines du nord de la France et, plus généralement de l’Europe.
F. Consil, le 12 janvier 2021.
Pour plus d'informations :
https://www.inrap.fr/decouverte-d-une-venus-paleolithique-amiens-14779?page=1