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Avis N°1 Légalisation GPA 2020

Comité Consultatif Lycéen d’Ethique

                                       Lycée Boucher de Perthes d’Abbeville

                                                              2020-2021

Avis N°1 : La Gestation Pour Autrui

Le Comité Consultatif Lycéen d’Ethique (CCLE) constate l’existence de facto à échelle internationale d’une pratique d’assistance médicale à la procréation appelée Gestation Pour Autrui (GPA). Il s’interroge sur l’opportunité de sa légalisation en France et sur les modalités précises d’une telle légalisation. Il reconnait majoritairement la légitimité du désir d’enfantement avec filiation biologique, y compris lorsque celui-ci ne peut se traduire par une grossesse, et la GPA comme l’une des formes possibles de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) destinées à satisfaire ce désir. Il valide la nécessaire traduction dans l’état civil français des naissances par GPA réalisées à l’étranger afin que les enfants ne soient pénalisés ni par les décisions de leurs parents, ni par les distorsions entre les législations spécifiques à chaque pays. Cette traduction dans l’état civil équivalant à une légalisation qui ne dit pas son nom, la question d’une légalisation encadrée en France s’en trouve posée avec davantage d’acuité encore. Il s’agit également d’offrir un cadre à la fois légal et sanitaire à la pratique « sauvage » de la GPA, évitant notamment le recours à des femmes économiquement fragilisées dans les pays en voie de développement. Une telle évolution supposerait de faire évoluer la loi actuelle selon laquelle « la mère est celle qui accouche » au profit de l’idée selon laquelle la mère (comme le père) est celle qui engage le processus de GPA et accueille l’enfant (parentalité dite «de destination »). Une telle démarche ne pourrait être entreprise que dans le cadre d’un contrat très strict, juridiquement reconnu, entre la mère « porteuse » et le couple de destination. Le CCLE préconise le refus de tout lien financier entre les parties afin d’éviter toute forme de marchandisation du corps humain et des fonctions biologiques. Le cadre doit donc impérativement être celui d’une GPA « altruiste » entre personnes ayant un lien amical ou familial, même si la possibilité d’une GPA entre personnes initialement étrangères les unes aux autres doit rester ouverte. Si le cadre d’une GPA « commerciale » est à proscrire, la démarche ne saurait pour autant être à la charge financière de la mère « porteuse », qui doit avoir droit à un défraiement intégral et à un suivi médical gratuit de haut niveau. Elle doit avoir accès au régime du congé maternité comme pour une grossesse traditionnelle. Le contrat doit impérativement faire état des risques, même très faibles, encourus par la mère « porteuse » lors de la grossesse (hypertension, etc.) et de l’accouchement (hémorragie, hystérectomie, voire décès), qui doivent être compris et assumés en toute connaissance de cause. La mère « porteuse » doit également avoir déjà eu un premier enfant biologique afin de s’appuyer sur cette première expérience pour conduire au mieux la grossesse. L’âge minimum de la mère « porteuse » doit être celui de la majorité légale le plus élevée dans la majorité des pays (21 ans), l’âge maximum doit être antérieur à celui où apparaissent statistiquement des complications durant la grossesse ou l’accouchement (35 ans). Le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) doit être maintenu, sans recours possible de la part du couple de destination. Pour autant, la mère « porteuse » doit s’interdire tout comportement qui pourrait nuire au bon déroulement de la grossesse ou à la santé de l’enfant (consommation de tabac, d’alcool, de drogues, de fruits de mer crus, sports à risque, etc.). La mère « porteuse » doit pouvoir conserver un lien avec l’enfant (par exemple assister à ses anniversaires) si elle le désire, si les parents de destination et l’enfant en sont d’accord lorsqu’il sera en âge de décider. L’avis de l’enfant devient prépondérant à partir de l’âge de 10 ans. La GPA relève d’un lien contractuel entre sujets libres, adultes et responsables dans lequel ni la société ni l’Etat n’ont à interférer.

Dans le même temps, une part minoritaire mais non-négligeable du CCLE s’oppose très clairement à toute légalisation d’une telle pratique, même sous des formes aménagées. Elle appelle à interroger cette obsession d’une filiation biologique alors même que d’autres solutions existent, telles que l’adoption. Elle souligne qu’il existe suffisamment d’enfant privés de parents pour ne pas s’engager dans un processus nataliste long, coûteux ; psychologiquement, socialement et médicalement risqué. Elle y voit en effet une forme déguisée ou symbolique de la marchandisation du corps humain et de ses fonctions biologiques, tant il ne saurait y avoir en la matière de gratuité complète et garantie. Si la démarche devait avoir lieu au sein d’une même famille, ou même dans le cadre d’un lien amical, le risque de pressions ou de formes diverses de subornation reste majeur. L’état actuel de la pratique confirme bien qu’il s’agit toujours d’un lien contractuel pseudo-égalitaire entre un couple destination aisé et une mère « porteuse » dans le besoin. Il ne s’agit en fait que d’un rapport de sujétion déguisé en rapport contractuel. Les très nombreuses limitations de libertés pour les mères « porteuses » actuelles (interdiction d’avoir des rapports sexuels avec son propre mari en début de grossesse, interdiction de sortir du pays en fin de grossesse, etc.) en constituent, si besoin était, une preuve supplémentaire. L’argument de la nécessaire traduction dans l’état civil français présente une vraie difficulté démocratique et tous les aspects d’une boîte de Pandore en ce sens qu’il ne sera bientôt plus possible de refuser quoi que ce soit : faudra-t-il aussi légaliser le clonage reproductif humain le jour où il aura été pratiqué à l’étranger ? Modifier la définition juridique actuelle de la maternité (« la mère est celle qui accouche ») présente également un fort risque de dilution du lien juridique, social et psychologique entre parents et enfants, au point qu’un enfant issu de GPA pourrait potentiellement se retrouver avec cinq « co-parents » (les donneurs de gamètes, les parents de destination, la mère « porteuse »). Qui est aujourd’hui en capacité de mesurer les dégâts notamment psychologiques d’une telle rupture anthropologique ? Il faut également souligner que l’attachement de la mère « porteuse » à l’enfant constitue ce que l’on ose à peine appeler un « risque » quasi-inévitable, y compris lorsqu’elle a déjà eu un enfant. Faudra-t-il donc que la police vienne arracher de force l’enfant à la femme qui l’a porté au nom d’une « violation de son contrat » ? La GPA considère la femme comme « un utérus sur pattes » et postule que l’on pourrait louer ou se faire prêter son utérus comme un appartement, alors même que tout indique que les relations entre la mère et l’enfant in utero sont fortes et, à ce jour, largement mystérieuses. Certains psychologues soulignent déjà que l’enfant vit sa préhistoire psychique durant la grossesse en percevant a minima la voix de sa mère et va devoir brutalement dès la naissance réorganiser tous ses repères lorsqu’il sera retiré à celle qui l’a porté pour être donné à une autre. Il a par ailleurs été déjà constaté que les enfants existants de la mère « porteuse » développent parfois des syndromes d’abandon (« si maman donne l’enfant qu’elle porte, elle pourrait nous donner aussi »). Parallèlement, les risques pour la mère « porteuse » sont loin d’être négligeables, en tout cas incommensurables au regard de l’enjeu, jusqu’à mettre en danger sa propre vie, et ne sauraient être mis sur le même plan que ceux qui sont pris par un militaire qui défend les intérêts (réels ou supposés) de son pays ou par un pompier qui sauve des personnes d’un incendie : il ne s’agit jamais en effet que de satisfaire un désir, empreint de biologisme, d’avoir une enfant du même « sang ». La société et l’Etat ont toute légitimité à contrôler, voire en l’occurrence à interdire la GPA dans la mesure où elle viole certains principes fondateurs tels que l’indisponibilité du corps humain et de ses fonctions, et fait appel à un financement public du congé maternité et du suivi médical.